Exil Polaire

J’ai vu tant de beautés graciles au regard
Troublant, azur et clair, aux cuisses effilées,
Qui flottaient sur le vent de mon furieux hasard,
Telles d’impossibles conquêtes effrontées.

Moi, seul et meurtrier de ma propre candeur
Accablé de savoir cette vaine naissance,
J’éventrai sur bâbord ma coque de douleur
Et jetai par tribord mon ancre d’espérance.

Hissant mon sabre d’abordage je lançai
Mon bras déchiqueté vers la tête de proue
Qui voleta. Dans l’air suspendu, je dansai
Sur ce pont des soupirs ma tendre ivresse floue.

Il restait un canot ballottant son mépris
Comme la marionnette au-dessus d’une lame,
Et j’y fis mon tombeau, sous le ballot très gris
Des nuages couvrant la cime de mon drame.

Alors souquant au loin, ramant sur l’horizon,
Je vis le soir poser la cape de son ombre,
Étreignant en ses plis la muette oraison
Funeste et sans passion qui brumait la pénombre.

Puis enfin j’arrimai mes folles déraisons.
Sur la blanche contrée où le froid de l’absence
A bâti des géants qui se rient des saisons,
Je patiente immobile en son morne silence.

Sur la banquise lente immaculés de vous,
Mes souffles inféconds en larmes cristallines
Se figent au cadran de mes vains rendez-vous,
Et brodent sur le temps de fines mousselines.

Bravo pour ce voyage au long cours raffraichissant. C'est très bien écrit, j'irais bien chasser le phoque 3 mois là-bas. Pas pour un exil mais pour un partage par contre. As tu déjà croisé le regard riche de ces peuples ?

De ton poème j'aime cette idée de glace en opposition au feu de l'amour.

Bref, me voilà assidument conquise par ta plume.

Amitiés,
Morine.

Dans ce fabuleux voyage je ne vois que la passion de la mort ! ce paysage attire comme le chant des sirènes, mais c'est le souffle du vent... très beau Merci de partager
Amitiés
Natacha

Bonjour Morine...

Chasser le phoque ? Ben, j'avoue n'avoir pas encore songé à ces détails matériels. Ceci dit, si vous passez non loin de mon igloo, c'est avec grand plaisir que je vous offrirai un bol de café chaud, denrée essentielle s'il en est. Je sais que les Inuits, à l'instar des indiens, subissent le dictat de la "civilisation" et n'en tirent pas nécessairement que des avantages. Les voici contraints à jouer les guides de chasse pour occidentaux nantis. Je crains fort que leur culture ne soit rapidement vouée à l'oubli. Les mots vous remercient pour l'attention que vous leur portez !

Amicalement

Rodes

Bonjour Natacha...

Alors d'une part, il est question ici d'une fuite, d'un isolement. Ensuite, le froid, tout comme le feu, purifie, avec en outre l'avantage de ne pas détruire ce qu'il saisit. Pour autant, il ne s'agit pas, dans ce texte, d'une mort physique mais d'un renoncement définitif au monde des hommes et ses vains mirages. Il reste encore un peu de place dans mon igloo. Je vous y convie aussi.

Quand dans un petit coin j'assistais au vernissage de mes tableaux, j'écoutais avec un grand amusement les explications des visiteurs,
rien ne correspondait aux sentiments qui avaient poussé mes pinceaux !les poèmes c'est souvent la même chose. Quand une oeuvre est achevée elle ne nous appartient plus chaqu'un y voit ses propres fantasmes...
c'est très amusant quand on peut les écouter.
Je préférerais me retirer dans une ile que dans un igloo ! trop froid...
Bonne journée amitiés
Natacha
ps :j'ai relu ton poème vraiment très beau !

Oui mais là, vous exagérez, Natacha, car il y avait quand même du vrai dans ce que vous disiez. La notion de mort est bien présente dans ce texte. Tant de choses peuvent mourir en nous. Tout d'abord l'enfance, puis les illusions, l’énergie, les rêves ...et cette liste n'est pas exhaustive. Mais je dois reconnaître que ce texte est un peu touffu et peut-être faut-il l'explorer au coupe-coupe. Puisque vous déclinez mon invitation, je posterai, demain, l’île des Soupirs. Cela répondra peut-être davantage à vos attentes.

Bonne soirée.

Une ile c'est pour moi une fuite de l'humain vers la nature...Mais si vous m'invitez avec une tasse de thé ou une énorme glace !....J'arrive ...
bonne soirée
Natacha

Natacha, nous avons toujours trois solutions devant une situation périlleuse ( et la vie en est une ): le combat, la soumission ou la fuite. Lorsqu'on n'a plus la force de se battre et que notre dignité nous interdît la soumission, il ne reste que la fuite. Alors, fuyez un moment vers mon île et vous aurez droit à une glace monumentale et au meilleur thé de la création.

Bonsoir Cécile...
S'il ne tenait qu'à moi, je vous offrirais une île de votre choix. Malheureusement, je n'ai pas le rond. Mais tenez, j’ai une recette infaillible, pour se détendre:

Allongez-vous au pied d’une plante verte, de préférence un caoutchouc, même en plastique, ça marche quand même. Placez un sèche-cheveux sur la table, juste derrière un bol d’eau salée. Voilà, vous n’avez plus qu’à profiter de la tiédeur du vent et des embruns océaniques, sous le balancement langoureux des feuilles de palmier.
Après ça, on va dire que chuis pas gentil !

Douce nuit, Cécile

PS: pour le thé glacé, c'est d'accord !