De Fil en Fil

Au fil de souvenirs décousus, restés seuls
Dans l’aube refaisant sans cesse son ouvrage,
Nous regardons, là-bas, se poser des linceuls
Sur nos cœurs vagabonds finissant un voyage.

Cherchant au fil de l’eau la rumeur éternelle,
Ecume d’un écho lointain pour nos passés,
Nous laissons le ballot de nos cœurs en dentelle,
Dérisoire fardeau sur ces flots entêtés.

Par tous les esprits saints j’ai maudit dans le vent
Cette terrible absence et le félon mirage
Qui nous berce d’espoir et nous laisse au levant,
Les mains vides d’amour et les yeux en naufrage.

Par le Malin servant un délice fielleux
Aux archanges déchus boitillant sur l’aurore,
Je lève mon drapeau troué vers tous les cieux,
Brandissant l’étendard de mon sang matamore.

Alors tous les mendiants, les hontes de la rue,
Se groupant en silence aux bas fonds des cités,
Clopinent vers le port dans une insane crue,
Charriant en ces flots leurs galures mités.

Mort à tous ces pierrots, chantres des faux semblants,
Masques immaculés cachant l’odieuse paix
Des orgies dans la soie, des dermes tremblotants
Sous les poudres de riz redonnant un attrait.

Maudits soient ces passants qui délavent l’automne,
Arpentant mon pavé comme un bruyant troupeau,
Piétaille sans objet, rengaine monotone
Et frappant sa mesure au tambour de ma peau.