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Chaque pierre lui semblait familière. L’air lui racontait toutes ses années d’enfance.
Une couleuvre se chauffait sur le bord du chemin, sur un éboulis. Il lui sourit, et la trouva belle dans ses couleurs citron et émeraude.
Les aubépines aux fleurs rosées, tranchaient avec le lierre aux feuilles sombres et brillantes.
Des églantines fragiles, encore perlées de rosée s’inclinaient doucement et parfumaient délicatement l’air.
Il respira à fond. Un étrange sentiment de plénitude, d’achevé, lui qui était depuis si longtemps en interrogation profonde, l’envahit.
Tout était simple. La nature était là, généreuse, féconde, source d’apaisement et d’espoir.
Il ramassa machinalement, quelques branches d’églantine délicates, pas trop ouvertes, en retira soigneusement les épines.
De loin, il reconnut la silhouette si familière et pourtant étrangement mystérieuse et nouvelle. Il accéléra le pas.
La petite fille avait fait place à une jeune fille, gracile et étonnamment belle et troublante.
Agenouillée devant l’oratoire, elle avait encore les mains jointes. Elle leva les yeux, un sourire illuminait son visage qui faisait de l’ombre à celui de cette madone.
Il lui tendit les églantines, sans un mot, il était subjugué par tant de grâce et de candeur.
Elle respira les fleurs, et les posa délicatement au pied de la statuette.
Elle lui posa sa main sur son bras, pour l’incliner à s’agenouiller aussi.
Elle fermait les yeux et ses lèvres à peine entrouvertes laissaient couler les murmures de sa prière.
Pierre se laissa glisser dans ce torrent de sentiments contradictoires et apprivoisés enfin.
Elle se releva, fit le signe de croix. Pierre fit de même.
D’une voix qui se fit claire et sereine, elle lui dit :
« Es tu revenu pour moi, ou pour lui » en montrant au loin le clocher de l’église.
Tout s’effaça. Les livres, le petit séminaire, les interrogations, les doutes
Elle buvait son regard .En quelques secondes, tout revint. La batteuse, les foins, la cour de récréation, le galet, les ornières, les veillées…une évidence !
Tout en caressant l’ovale de son visage, qu’il trouva parfait, et avant de poser ses lèvres sur les siennes offertes, il lui murmura :
« Pour toi ! »